Je me rappelle encore de cette soirée de septembre où j’ai accouché d’une merveilleuse princesse à la maternité de la clinique XXX, il devait être trois heures du matin… Couchée sur la table d’accouchement, à bout de souffle, je priais intérieurement le bon Dieu de me libérer de mes peines et de m’aider à passer ce cap.
Déboussolée, j’ai eu la malchance de me retrouver en face d’une sage-femme qui n’avais rien de sage et d’une fille de salle à la langue pendue… Un an après, je me rappelle des mots crus qu’elles m’ont dits : « tais-toi, ne bouge pas, tu gémis comme si tu étais dilatée pleinement alors que tu n’es encore qu’à 4 doigts » et j’en passe.
Et tenez-vous bien, une fois venu le moment de pousser, elles sont toutes deux parties s’asseoir et causer entre elles pendant que je me tordais de douleur ; la question que je me pose encore aujourd’hui est : et si mon enfant était tombé sur ces carreaux immaculés de mon sang dans cette petite chambre d’accouchement ?
J’ai eu la chance d’avoir à mes côtés ma grande sœur qui était du domaine médical et qui les a rappelés à l’ordre et m’as assisté jusqu’à ce que je donne naissance.
VENONS-EN AU FAIT :
Les violences obstétricales sont une forme de violence restée longtemps dissimulée ; l’expérience vécue par les femmes dans les centres de santé lors de leur accouchement devient une préoccupation majeure au Niger. Les plus exposées à ces détresses sont les jeunes filles primipares, mais aussi les femmes non instruites en milieux ruraux et urbains.
En plus du manque de soutien et d’accompagnement, nous subissons violences physiques et verbales, ingérences médicales non demandées ou encore pires, une réelle négligence du personnel de santé présent.
Ici au Niger, nous avons la chance de bénéficier de la gratuité lors de l’accouchement dans les maternités publiques et donc quand c’est gratuit pour la femme qui va accoucher, c’est que la société paie pour elle. J’ai l’impression que certaines sages-femmes pensent que nous sommes bien chanceuses et donc nous n’avons pas à revendiquer quoi que ce soit. Ça c'est encore si tu peux accoucher par toi même, ne parlons même pas de celles à qui on fait des césariennes et qui subissent pire...
Une fois en salle d’accouchement, nos sœurs qui ont le malheur de tomber sur des bouchères en ressortent traumatisé : lisez ce témoignage recueilli ce matin auprès d’une de nos Waymo :
« Les expériences traumatisant j'en ai vécu, beaucoup même, je me considère comme une femme forte, je le suis émotionnellement mais physiquement non. Je ne supporte pas la douleur de la chaire, j'ai un seuil de tolérance très faible.
J'en ai vécu des situations traumatisantes mais pour le 16 février jusque-là, c'est la plus traumatisante je crois. J'ai été mutilée, ils disent que c'est normal mais ça ne l'est pas. J'ai fait des recherches et il y avait un moyen de diminuer ou d'atténuer ma souffrance mais malheureusement ici chez nous ce n'était pas encore connu. J'ai été traité de chochotte mais je m'en fous royalement. Parce que j'ai eu mal, à un seuil que je ne croyais même pas possible, c'était inimaginable, mais ils disent que c'est normal. Alors que non.
Avant de commencer, la première sage-femme disait à leur chef " tantie le col est fermé et elle ne saigne pas" elle lui a répondu" j'ai déjà rempli son dossier il va être envoyé à L'AMIU (là où se passe l'avortement)" , j'étais choquée, pourtant la gynécologue qui m'avait envoyé à la maternité centrale m'a clairement dit" elles vont te prescrire un médicament et lorsque tu commenceras à saigner tu retourneras pour l'aspiration " , normalement mon col devait être dilaté, mais ce n'était pas le cas.
Lorsque je me suis rendue auprès de celles qui devaient me faire l'AMIU , celle qui m'a fait la préparation vaginale a notifié à sa collègue que le col était fermé que ce n'était pas une urgence, elle lui a précisé "elle ne saigne pas", elle a essayé de l'ouvrir avec un de leurs outils de travail mais ça ne s'ouvrait pas, elle a dit encore " le col ne s'ouvre pas" ,sa collègue ou peut-être son supérieur lui a répondu en se dirigeant vers moi " aga féri nissi ga dan Gabi no( il va s'ouvrir tu ne mets pas assez de force") et elle qui avait assez de force l'a forcé.
Quelques jours plus tard j'ai demandé à une amie qui était dans la salle qui voyait ce qui se passait de l'autre côté si mon col était ouvert ou pas elle m'a répondu que j'étais à 1 doigt, un doigt est-ce suffisant pour faire une aspiration ? Mon col a-t-il été forcé ? Aurai-je des séquelles ? Je ne sais pas. Demain mardi 23 février je retourne pour un contrôle je saurai si tout va bien ou pas.
J'ai été grondé et menacé pendant la procédure parce que je laissais libre cours à ma douleur, je me suis exprimée de la seule façon dont j'exprime mon mal-être d'habitude, en criant en gémissant, mais c'était tellement épouvantable que cette fois-ci j'ai hurlé, j'ai suffoqué par manque d'air parce qu'on me demandait de fermer ma bouche pour couvrir mes cris de honte, puis on me demandait encore de respirer par la bouche et de me détendre, pendant que mon utérus était en feu pour ne pas risquer de me blesser, on m'a menacé et crié dessus... Ça ce n'était pas normal, et ça ne me calmait pas du tout.
Je tremblais et transpirais de tout mon corps, je ne sentais plus mes pieds, j'avais sauvagement mal, et je me faisais charrier pour ma soi-disant "faiblesse", le fait de crier n'était pas digne d'une femme qui a été créé pour souffrir selon elles, alors qu'avec l'avancée de la science ce n'était plus normale de souffrir tant qu'il n'y a pas de faits spéciaux, la normale est devenue indolore, en tout cas pendant l'acte... Mais nous femmes noires n'avons pas ce droit.
Une des dames me disait " est-ce que quand c'est ton mari qui est sur toi tu hurles comme ça"... Comment peut-on comparer ces deux cas ? Alors selon elle faire l'amour revient à se faire aspirer l'utérus ? Non je ne pense pas. Elle termine en disant" pourtant je suis sûre que ce sont elles qui sont accros au sexe" ».
Le commentaire le plus pathétique, irréfléchi et irrespectueux. Une victime de viol peut tomber enceinte et peut aussi subir un avortement déclenché, donc selon sa logique à cette dame, certaines ont plus le droit de pleurer ou de s'exprimer que nous autres qui avons pris une grossesse désirée ? »
Je ne peux comprendre que ces commentaires viennent de FEMMES, celles-là même qui sont censés nous comprendre… Continuons :
« Je ne suis pas une mauvaise personne mais je voudrais bien la voir en train d'accoucher ou subir ce que j'ai subi...et lui répéter toutes ses phrases désobligeantes. Elle a menacé presque 3 fois d'arrêter l'aspiration parce que je criais, elle disait " moi je vais arrêter je n'en peux plus de ses hurlements c'est quoi cette journée pourrie où on m'envoie que des enfants qui soit ne restent pas tranquille, soit elles hurlent j'en ai marre.
Il fallait que mes amies médecins qui étaient avec moi la négocient pour qu'elle continue, pour faire le travail pour lequel on la paie elle devait être négociée, je ne sais pas si elle le pensait ou si c'était un moyen de m'intimider pour que je me taise, mais elle l'a fait et ce n'était pas du tout adéquat.
À la fin c'est la femme de ménage qui me parlait avec douceur et calme, c'est elle qui m'a réconforté, elle a été si douce avec moi ... pourtant elle son travail c'était le ménage, celles qui devaient le faire se moquaient de moi. J'ai eu une longue très longue journée, qui n'est toujours pas finie puisque je n'arrive pas à dormir, j'ai mal et je suis traumatisée, une journée noire comme on dit... Une très horrible journée.
Je vais me mettre au lit à côté de mon mari qui ronfle tranquillement et qui dort paisiblement, pendant que je souffre, pour me reposer... j'espère que demain sera plus gaie... J'en ai besoin.
Ya Allah guéris moi. »
Voici ce que nous vivons dans un pays démocratique… Comment pouvons-nous éradiquer les violences faites aux femmes et aux filles si les premières à infliger des douleurs inimaginables sont les femmes elles-mêmes ??
Bonne rédaction. Mais ce sont des réalités que nous vivons.
RépondreSupprimerQue Dieu nous assiste Amine
Cool merci
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