Mille et une douleurs de jeunesse

« Je te répudie, je te répudie, je te répudie »…

Tapis au fond de mon ancienne petite chambre familiale éclairée par quelques bougies, je caresse mon ventre arrondi… Il doit être deux heures du matin, peut-être trois. Il pleut des cordes dehors. Le bruit des gouttes d’eau sur les tôles étouffe mes sanglots, le regret anime tout mon être. Mes parents dorment à côté et j’ai peur de les réveiller, surtout mon père. Si ça ne dépendait que de lui, à cette heure je serais à la rue…

J’étais comme toutes ces jeunes filles, je rêvais boulot, mariage, famille etc. Malheureusement dans mon adolescence, je n’ai pas fait les bons choix… Mes fautes d’hier me rattrapent aujourd’hui. C’est quasiment impossible d’éviter l’amour et la romance durant les années de la vingtaine. Mais personnellement, j’ai rendu l’amour un peu plus important qu’il n’aurait dû l’être durant certaines périodes. Et aujourd’hui, je le paie au prix fort.

J’en ai connu des hommes, et malheureusement je n’ai pas su me préserver. Pour ma famille, j’étais une fille douce et réservée. Ce n’était que le sommet de mon iceberg. En dessous, il y avait moi, BADOO où je faisais des rencontres, WhatsApp où je les concrétisais à moitié et parfois ça finissait dans les hôtels de Niamey, à deux ou dans des partouzes endiablées. J’étais belle et je me suis dit que je devais en profiter. Mes photos étaient de plus en plus sexy, bien sûr ils en voulaient toujours plus… Et au final, j’en suis arrivée aux nues. Naïve comme j’étais, je ne jugeais même pas utile de supprimer ou rogner mon visage. Après tout, c’était des hommes responsables ils allaient sûrement les supprimer après avoir visionné. 

Enfin, les années passaient et cette vie que je menais commençait à me lasser. J’ai commencé à me ranger, prier le bon Dieu de me pardonner. J’ai supprimé tous mes comptes sur les réseaux sociaux. De par mes voyages, j’ai pu reconstruire mon hymen. Petit à petit, j’ai réussi à me faire oublier ; enfin c’est ce que je croyais. Dieu avait pour moi un plan qui était mieux que tout ce que j’aurais pu imaginer. J’ai réussi à tourner la page sur tout ça. Je me suis mariée il y a quelques mois et aujourd’hui je porte le fruit de mon petit bonheur dans mon ventre. 

Malheureusement, quelques jours après mon mariage, j’ai commencé à recevoir mes anciennes photos une à une via mon WhatsApp. Inutile de vous dire la froideur qui a traversé tout mon être. J’en ai sué jusqu’à la culotte. Mon passé que je pensais bien enfoui creusait, creusait pour me retrouver. Et chaque fois que je bloquais le numéro, un autre surgissait pour continuer la sale besogne. Et chaque fois que je me rendais chez Orange, le numéro n’était pas identifié… comme par magie. J’avais le choix entre en parler à mon adorable époux qui ignorait ABSOLUMENT TOUT DU PASSÉ DE SA MERVEILLEUSE FEMME ou tout bonnement couper court : plus de WhatsApp. J’ai choisi la seconde option. Mon Dieu si je savais…

C’était le calme plat avant la tempête qui me ramènerait vivre sous la honte chez mes parents. Quelques semaines plus tard, je me suis rendue à un mariage dans ma belle-famille. Et l’oncle éloigné de mon mari chez qui se tenait la cérémonie n’était autre qu’un de mes anciens amants avec qui l’histoire s’est mal terminée. Je l’avais drogué pour fuir avec son argent et reconstruire mon hymen. 

Au regard qu’il m’a lancé de loin, j’avais compris que ma belle et paisible petite vie va chuter comme un château de cartes. Je n’avais qu’une envie, s’était de fuir… Mes jambes ne me portaient plus lorsqu’il a fait appeler Eddine mon mari. Après des minutes longues comme une année à mes yeux, mon mari revint vers moi et me dit : « je te répudie, je te répudie, je te répudie ; je n’ai rien dit à tes parents sur tes photos, tes vidéos de jambes en l’air moyennant de l’argent, tes actes salaces… tu le feras toi-même et tout de suite, ton père te réclame : tu me dégoutes ».

Je n’ai pu verser une larme ; tout le regret du monde entier habitait mon âme. Que faire, que dire, comment m’en sortir ??? Le brouhaha du mariage fit place à un flou immense pour moi et je me suis évanouie. Je me suis réveillée à la clinique Magori, ma mère à mon chevet qui pleurait toutes les larmes de son corps et mon père qui me regardait avec mépris ; ils étaient au courant. 

Je fermais les yeux, forçant la mort à venir me prendre mais c’était peine perdue : la vie n’en avait pas fini avec moi, moi et mes mille et une douleurs de jeunesse…