Je m’appelle Aichatou,
j’ai trente-quatre ans aujourd’hui. J’étais agent dans une grande entreprise de
BTP. La vie ne m’a pas toujours gâté. J’ai perdu mes parents quand j’avais
quatorze ans. Etant l’ainée de ma famille, je devais prendre soin de mes deux
petites sœurs et de mon petit frère. Entre petits boulots et écoles, j’avais parfois
l’impression de perdre pied… Mais j’ai tenu bon !
Le temps m’a forgé
un esprit de battante, je travaillais aussi fort et bien que mes collègues
hommes. Il arrive que mon patron, pour me récompenser des clients que je
ramenais, m’offre quelques modestes primes. Pour moi, c’était sans
arrière-pensée. Un soir, alors que je me changeais dans les vestiaires femmes
après une longue et épuisante journée de travail, je sentis une main se poser à
l’arrière de ma cuisse. J’en ai sursauté de peur, mon patron s’excusa et me dit
qu’il ne voulait pas m’effrayer. J’étais sceptique : qu’est-ce que cet
homme respecté de tous faisait là et que me voulait-il …
Après lui avoir
posé la question, il sourit et s’approcha plus près de moi, voulant reprendre
ses attouchements. Prise de panique, je lui dis que j’allais crier fort s’il
recommence ; il me regarda ensuite avec dédain puis s’en alla. Le
lendemain, je sentais les regards sur moi. Les gens chuchotaient sur mon
passage, puis riaient. J’étais gênée et pour la première fois je me sentais
désarmée. Une âme bienveillante à mon égard finit par m’informer : « j’aurai soit-disant essayé de
séduire le boss et il m’a repoussé ».
Je grelottais
jusque dans mes sous-vêtements tellement j’étais choquée !!! J’avais la
rage au ventre, mais j’avais besoin de ce travail, que faire ??? J’avais peur de tout raconter, j’ai
pensé à mes sœurs et mon frère, je risquais de perdre mon emploi si je disais
un mot. Le stress m’envahit peu à peu, je ne supportais plus d’être la risée de
ces personnes. Je ne mangeais plus et dormais peu.
Deux jours plus tard, j’ai eu la
visite de mon patron chez moi. Je n’étais pas surprise car je savais ce qu’il
voulait. Moi aussi je voulais savoir quelque chose. Qu’a-t-il dit aux employés ?
Il était venu me demander pardon, s’excuser
de sa maladresse. Je voulais lui pardonner pour plusieurs raisons. Il était mon
patron et je voulais de ce job. Mais avant, il fallait que je lui pose ma
question. Monsieur le DG, qu’avez-vous dit à mes collègues pour qu’ils
réagissent de cette façon à mon égard. Sa réponse était stupéfiante : « Je leur ai dit que tu étais prête à coucher
avec moi pour obtenir une promotion. Je te le dis parce que je sais que je peux
compter sur ta collaboration pour garder ce secret entre nous surtout si tu
veux garder ton travail. »
A ce moment, je me rendis compte que
ce monsieur avait détruit mon ascension au sein de cette entreprise alors même
que c’était MOI la victime. Sans dire mot, je retourne dans la maison. J’ai
appris qu’il était resté pendant plus d’une heure à la porte de chez nous avant
de s’en aller. A la suite d’une longue réflexion accompagnée de pleurs, j’ai
finalement décidé d’agir autrement. Le lendemain, j’étais matinale,
je me suis vêtu de mes plus beaux habits et me rends au bureau. Ce jour coïncidait
avec une réunion de tous les employés. Et comme si on ne s’était pas rencontré
la veille, j’ai gardé la même attitude à l’endroit de mon DG. A la fin de la réunion,
j’ai demandé à m’exprimer en présence de tous les employés du bureau.
Voici mes dires :depuis quelques jours, beaucoup d’entre
vous m’ont toisé au passage. Vous avez appris des propos diffamatoires à mon égard.
Des informations selon lesquelles je voulais coucher avec ce monsieur dans le
but d’obtenir une promotion. Je me tiens ici devant vous pour infirmer ces
propos calomnieux. La vérité, il m’a retrouvé dans les vestiaires alors que je
me changeais et s’était mis à me toucher. Face à mon refus il s’est fâché et vous
connaissez la suite. Je me tiens ici devant vous, pour vous dire que je suis
victime d’un harcèlement. Au début je ne voulais pas en parler, mais aujourd’hui
j’ai décidé de le faire afin que d’autres collègues ne soient victimes d’une
telle chose. Libre à vous de me
croire, le bon Dieu sera juge dans cette histoire !!!
A la fin de mes dires, je remis ma
lettre de démission et sort à la surprise générale et aux larmes de crocodile versés par le DG qui voulait parler, certainement pour s’en excuser. Mais je ne
lui ai pas laissé le temps. Sur mon compte bancaire, j’avais une somme de 236
000 F CFA, à peine de quoi monter ma petite entreprise de recrutement de main-d’œuvre
pour les grands chantiers.
Après huit ans de haut et de bas, mon
entreprise marche à merveille et a un chiffre d’affaires de 55 millions de
francs. Aujourd’hui encore, je ne regrette pas d’avoir parlé. Parlé m’a
soulagé, parlé m’a blanchi, parlé a certainement évité que d’autres filles
soient victimes de tels actes. Parce que je suis une femme ne donne pas le
droit à certaines personnes de me minimiser, de me victimiser. J’ai le droit de
bénéficier d’un environnement de travail juste et sans risque d’être harcelé et
pour cela, j’ai décidé de briser le silence.
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