Me voilà couché, seul dans mon linceul… Le sang ne s’est pas encore asséché sur mon corps. On pouvait entrevoir ce blanc immaculé, si seulement j’étais seul.
Autour de moi, il y avait plus de corps que de personnes vivantes… Pardonne-moi maman, si seulement je pouvais encore te serrer dans mes bras…
De mon sac mortuaire, j’entends tes larmes de douleur qui résonnent comme des lances à mes oreilles. Dire qu’il y a encore quelques heures, tu implorais pour moi. Mais la volonté de Dieu s’est accompli…
Le Niger, ce vaste pays désertique, l’un des pays les plus pauvres au monde, je n’aime pas le dire mais c’est la réalité. Il est dix-neuf heures et j’essaie en vain d’imaginer la douleur de ces femmes, de ces hommes, qui ne reverront plus leurs enfants, leurs maris, leurs frères…
Tongo-Tongo, Chinagodar, Inatès, Bosso, Karamga, Banibongou, Tchomabongou, Zaroumadareye… Hier il s’agissait de villages inconnus pour la majorité de nigériens, aujourd’hui entendre ces noms nous marquent d’un frisson ; car oui il suffit d’évoquer ces différents noms pour avoir encore en tête tous ces nigériens qui ont perdu la vie dans une guerre qui n’est pas la leur.
Des soldats tombés pour la patrie, à qui leurs parents ne pourront jamais faire un dernier au revoir. Des jeunes pleins d’espoir et d’ambitions, mais qui n’auront jamais la possibilité d’accomplir tous leurs rêves. Toutes ces mamans qui pleurent pour leur progéniture…
Les uns partis sur le terrain du combat, les autres abattus dans leurs champs, en pâturage ou assassinés chez eux en présence de leurs enfants. Que dirons-nous à tous ces enfants qui ne reverront jamais leurs pères ? que dirons-nous à toutes ces épouses qui pleurent encore leurs époux partis trop tôt ? je vous laisse trouver les mots, parce que j’ai beau chercher, je ne trouve pas.
Je pense aussi à toutes ces populations qui se terrent de peur au fond de leurs cases, qui fuient sans regarder derrière elles. Des gens qui ont pour seule préoccupation de trouver un endroit sûr parce que le toit, le manger, la santé et l’éducation de leurs enfants viendront après.
Nous avons échoué. Echoué de garantir la sécurité à nos frères et sœurs, échoué d’empêcher à certains de nos frères de rejoindre le côté obscur, échoué de regarder ce drame continuer. Il y’a un adage qui dit que quand la case de ton voisin brûle, verse de l’eau sur le tien… Moi je dirai plutôt que quand la case de ton voisin brûle aide le à éteindre le feu.
Ce problème requiert une solution collective, si nous sommes tous fautifs, la solution doit venir de tous. Nous avons le devoir de ne plus laisser survenir un autre Tchomabongou ou un autre Inates. Comment ?
Aux familles, en éduquant nos enfants, laissons-les aller à l’école s’instruire, acquérir le sens du discernement. Aux décideurs, investissez dans l’éducation. D’Ayerou à Bilma en passant par Toumour, tous les enfants ont droit à l’éducation, parce que l’éducation c’est la clé.
Si de Diori Hamani à Issoufou Mahamadou, l’école a été l’élément qui leur a permis d’atteindre la fonction suprême, pourquoi ne pas créer ces conditions à l’enfant d’Inates et empêcher ainsi qu’il rejoigne l’autre camp ? Je suis convaincue que lorsqu’une personne est instruite et que son pays lui offre toutes les chances de réussite, elle n’a d’autres options que de se battre pour ce pays qui lui a tout donné. Et quand celle-ci se bat c’est pour la bonne cause au profit de toutes et de tous.
La fille, la mère, la sœur, l’épouse que je suis est nostalgique du Niger dans lequel j’ai grandi. Un pays où il faisait bon vivre, un pays où on pouvait tout nous reprocher mais pas l’insécurité et l’hospitalité. Aujourd’hui la seule chose qui nous reste est l’hospitalité, mais jusqu’à quand ?
Courage !
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