Waymo, mon Quotidien.

Mon Regard et ma Voix pour mes Soeurs Nigériennes du Pays et d'ailleurs

Des maux sans mots


Il est 19 heures passées de quelques minutes sur Niamey, capitale du Niger. Depuis quelques jours, à cette heure, les appels à la prière ont fait place aux bruits incessants des moteurs sur les grandes routes comme dans les ruelles. Les retardataires s’empressent de rentrer chez eux avant de croiser les forces de défense qui patrouillent. Depuis l’enregistrement du premier cas de Covid-19, les autorités ont pris des mesures draconiennes pour limiter la propagation de la pandémie. À Niamey, région la plus touchée, les lieux de culte ont été fermé et un couvre-feu a été instauré.

Assise dans leur maison familiale, Samira, vingt et un ans, joue avec son bébé de deux ans. Cette jeune femme, licence en poche, est rentrée chez ses parents il y a tout juste quelques jours après trois ans de vie conjugale tumultués. Dans sa vie nouvelle vie de célibataire, elle ressasse ses souvenirs de mariage, « avant de me marier, je pensais que le mariage c’était tout sauf une prison. Qu’il y aura certes des hauts et des bas, mais jamais des coups et des injures. »

Le rêve de la jeune mariée, s’est estompé un mois après avoir épousé celui qui était son premier amour, un amour du lycée qu’ils ont su maintenir jusqu’au mariage. Dans nos traditions, après le mariage, le couple prépare à manger pour amener chez leurs parents et c’est là que les problèmes ont commencé. « Lorsque nous avions amené les plats chez les parents de monsieur, sa maman insista pour prendre les plats, ne voulant pas vexer ma belle-mère j’ai alors cédé. C’est ce qui n’a pas plus à mon mari. De retour à la maison, il était fou furieux au point de me dire que je n’avais aucun respect pour ses parents. Je m’en étais excusée en lui promettant que ça n’allait plus recommencer. »

Au fil des jours, les choses n’ont fait qu’empirer, entre insultes et coups : « les moments les plus difficiles c’était pendant ma grossesse, j’avais cru qu’il serait plus indulgent avec moi. Mais c’est le moment qu’il a choisi pour porter la main sur moi. Bizarrement j’avais fini par conclure que c’était moi la fautive, surtout qu’on m’avait prévenu que pendant la grossesse nous les femmes nous avons des sauts d’humeurs et des envies inexplicables. J’ai donc laissé passer ». Ce dont Samira ne se doutait pas, c’est que ce coup va être le premier d’une longue série.

 Les injures vont faire place aux agressions physiques. Elle n’osait parler de ce qu’elle vivait, parce que c’était son choix et on risque de le lui rappeler. D’ailleurs au Niger on te dit que le jour de ton mariage, qu’après la nuit de noce, l’amour s’en va et est remplacé par la patience. Mais de quelle patience parle-t-on ? de cette patience où tu dois tout subir ? de cette patience où tu es traitée comme un moins que rien ? de cette patience où tu dois supporter et ne jamais rien dire ? Est-ce cela le mariage ? Je crains que non.

Au Niger, les derniers chiffres sur les violences faites aux femmes remontent à plus d’une décennie. Ils estiment que 43 % des violences subies par les femmes sont physiques tandis que 28% sont sexuelles. Au stade actuel on ignore le nombre exact de femmes qui croulent sous les coups et autres violences de la part de leurs conjoints, mais une chose est sûre : certaines mesures prises pour limiter la propagation de la COVID-19 n’ont pas arrangé la situation des femmes victimes de violences conjugales. C’était le cas de Samira, qui avait à supporter le comportement de celui qui était à l’époque son mari. « Auparavant, il lui arrivait de trainer dehors, c’était un moment de répit pour moi. Mais depuis l’instauration du couvre-feu, les choses n’ont fait que s’aggraver. Il était à la maison à 19 heures tapantes et quand il est là c’est le KO. J’avais comme l’impression que la frustration de ne pas pouvoir sortir, il la déchargeait sur moi. » 

Si la Covid-19 impose une limitation des déplacements, Samira était déjà habituée à ces restrictions, « Monsieur m’empêchait de sortir, même quand je voulais partir voir mes parents je devais passer un interrogatoire comme à quand remonte la dernière fois où j’étais chez eux, qu’est-ce que je vais chercher ? bref, je n’avais plus de vie. Mon seul exutoire c’était mon téléphone avec les réseaux sociaux. Mais là aussi, monsieur avait imposé des règles, sur Facebook et Instagram je ne devais rien publier, sur WhatsApp je subissais des inspections surprises. »

On dit chez nous quelle que soit la durée de la nuit, le soleil finira par apparaitre et le soleil de Samira était apparu un soir alors qu’elle s’apprêtait à passer comme d’habitude, des moments difficiles. « Je lisais sur Facebook, le témoignage d’une dame handicapée à vie à la suite des coups de son époux. Ça a été un déclic, je m’étais demandé ce que j’allais devenir et que deviendrait mon enfant si jamais ça m’arrivait. Un soir pendant le mois de ramadan, après la rupture j’avais fait tomber mon téléphone par mégarde. Monsieur était fou furieux en disant que je ne fais jamais attention aux choses et si je cassais mon téléphone c’était à lui d’acheter un autre. Ce soir j’avais eu le courage de lui dire d’arrêter de me crier dessus, c’est là que les choses ont dégénéré car il voulait me « corriger » comme il aime le dire. »

Ce soir-là, deux choix se présentaient à Samira, « je devais décider entre accepter de le laisser me tabasser ou me soulager de mes maux sans mots. J’ai vite fait de m’isoler dans ma chambre en fermant la porte avec mon bébé. Je n’ai ouvert la porte qu’au petit matin et il était déjà parti travailler. Mais j’avais eu suffisamment le temps pour réfléchir et prendre une décision : vaut mieux m’en aller plutôt qu’on vienne prendre mon corps » et c’est comme ça que le lendemain matin, Samira profitant de l’absence de son époux fit ses valises et rentra chez elle avec son bébé tout en sachant que la société, son entourage, ne vont pas l’accueillir à bras ouverts.

Arrivée chez elle, les réactions fusaient de partout, « le seul qui m’avait compris c’était papa. » Aujourd’hui, si Samira a pu s’en aller, ce n’est pas le cas pour beaucoup de jeunes filles qui doivent subir et n’ont pas encore brisé le silence. Nous devons avoir de milliers de Samira qui dirons NON mais aussi une société beaucoup plus souple. Ne dit-on pas que qui a poussé un rat à se refugier dans un feu est certainement plus chaud que le feu ? À méditer.

 

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